Coronavirus : des enseignants en difficulté

« Blanquer est au pick-up. » Avec cette apprĂ©ciation lapidaire, Lucile, professeur d’anglais dans une Ă©cole de technologie et Ă  temps partiel, met les comptes Ă  son ministre, Jean-Michel Blanquer. Pourquoi une telle gravité ? « Le jeudi 12 mars, après le discours de Macron annonçant la fermeture de toutes les Ă©coles pour le lundi suivant, nous avons reçu l’instruction le week-end que tous les enseignants de l’AcadĂ©mie de CrĂ©teil (Val-de-Marne) devaient aller dans les Ă©coles pour s’organiser. Et enfin non. Depuis, j’ai passĂ© mon temps sur Internet, mais pas trop brillant, je peux vous le dire. « 

Et la jeune enseignante d’Ă©numĂ©rer ses nouveaux engagements. Lundi, le premier jour de l’Ă©cole Ă  distance, elle a d’abord essayĂ© de contacter ses Ă©lèves et parents par email pour vĂ©rifier s’ils avaient leurs codes d’accès aux diffĂ©rentes « salles » travail numĂ©rique « , le « ORL » en jargonde l’Ă©ducation nationale. Le lendemain, « J’Ă©tais en mode service après-vente » pour gĂ©rer tous les courriels des Ă©tudiants de panique quand ils ont finalement rĂ©alisĂ© qu’ils avaient perdu leurs codes. Que « ça » ne marche pas. C’est malgrĂ© les paroles de Jean-Michel Blanquer qui, fin fĂ©vrier, France Inter a dĂ©clarĂ© que l’Ă©ducation nationale est prĂ©parĂ©e pour l’enseignement Ă  distance.

Maître à distance

Sauf pas autant que ça. En tout cas, pas dans une telle mesure. Pronote, l’ORL, les adresses acadĂ©miques des enseignants et mĂŞme le Centre national d’enseignement Ă  distance (CND) ont Ă©chouĂ© en raison de l’influence de la circulation. « J’ai dĂ» dĂ©chirer un groupe WhatsApp pour mes Ă©tudiants parce que l’espace numĂ©rique a sautĂ© et affichĂ© « Erreur 504 ». Actuellement Pronote, un logiciel pour Sharing notes peut faire l’affaire et nous correspond toujours, mais je connais des collègues qui ennuient totalement », rigole Lucile.

L’ enseignante a Ă©galement dĂ» rĂ©veiller ses Ă©lèves Ă  partir de 8h00 du matin avec SMS, « l’heure du dĂ©but de la leçon. Mais pour certains, l’Ă©cole est Ă  la maison : je me prĂ©sente en pyjama Ă  10 heures du matin et dĂ©couvre un courrier avec beaucoup de choses Ă  faire, bref, c’est folklorique. Et encore une fois, j’ai grand et je me sens Ă  l’aise avec les ordinateurs. J’imagine pour les collègues qui ne sont pas 2.0 ou les Ă©tudiants qui ne sont pas habituĂ©s Ă  utiliser un ordinateur Ă  la maison… Le fossĂ© numĂ©rique existe toujours. Nous ne devons pas croire que tous nos enfants sont des gĂ©nies informatiques », prĂ©vient l’enseignant.

Lucile partage Ă©galement les difficultĂ©s très concrètes de ses Ă©tudiants en sciences, en santĂ© et en technologie sociale (ST2S). Le plus souvent, les jeunes filles, pas nĂ©cessairement très autonomes. « Nous avons deux jeunes adultes qui viennent de la protection de l’enfance et qui ont une vie compliquĂ©e. Dernièrement, j’ai appris qu’un de mes Ă©lèves vivant seul ne sait pascomment faire de la nourriture. Elle ne se nourrit que de petits gâteaux. C’est le genre d’enfant pour lequel il n’a Ă©videmment pas la prioritĂ© absolue. MĂŞme mes autres Ă©lèves qui paniquent dès que les Bugges Internet, je les appelle un appel, j’entends ma voix pour qu’ils puissent se calmer un peu. »

Sur le chemin d’une « mise en service » de l’Ă©cole ?

Le professeur craint Ă©galement que cette restriction puisse servir d’exercice prĂ©liminaire pour une nouvelle organisation du travail au sein de l’Ă©ducation nationale. « Nous savons que ce gouvernement rĂŞve du monde entier en dĂ©marrage. DĂ©jĂ , nous ne remplacons pas les enseignants Ă  la retraite. Le risque dĂ©pend du fait que ce coronavirus est l’expĂ©rience rĂ©ussie de l’apprentissage Ă  distance pour rĂ©duire les coĂ»ts. Mettez un professeur dans une pièce et des vidĂ©os dans d’autres afin que les classes du secondaire soient comme des confĂ©rences dans les amphithéâtres. Mais ce n’est pas mon idĂ©e de monTravail de professeur de lycĂ©e. « 

En ce moment, cette tĂ©lĂ©-Ă©cole a quelque chose Ă  donner aux enseignants l’envie de se dĂ©chirer les cheveux. « Certains de mes Ă©lèves m’envoient leurs exercices par e-mail et je peux les corriger directement en rĂ©pondant Ă  ma rĂ©ponse, mais d’autres m’envoient la photo d’un cahier ! Je vais devoir envoyer un email avec toutes mes corrections. Bref, c’est un boulot dingue. Un jour de cours de 9 heures Ă  12 heures par exemple se transforme en 9 heures — 18 heures, sans parler de la correction des copies « . Tout cela de loin, dans l’isolement et la solitude.

Enseignant multitâche

Les parents au pouvoir, les responsables primaires, les mangeurs d’enseignants durs, rassurez-vous : les enseignants en confinement (probablement jusqu’aux ponts de mai), ayant Ă©tĂ© grève en dĂ©cembre, ne sont pas morve. Ils ne passent pas la journĂ©e sur leur canapĂ© Ă  regarder Netflix ou Canal.

Ils se sont battus pour unservice public indispensable, qui a Ă©tĂ© portĂ© prĂ©judice par la grève, transformĂ© en un dĂ©panneur informatique pour les Ă©tudiants, un psychologue rassurant pour les parents lorsque la sociĂ©tĂ© va dans un tournant. Et souciez-vous de l’annĂ©e scolaire et de passer les examens de vos Ă©lèves. Le dernier flou de Jean-Michel Blanquer, annonçant aujourd’hui que tout ira comme prĂ©vu. « Voir, conclut, suspicioucile. â—Ź

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